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phénomène se produise sans qu’il y ait apport ou soustraction de chaleur, et où néanmoins la température joue un rôle ; ce cas est fourni par les gaz par faits, gaz qui n’existent pas, mais qui, contrairement à ceux qui existent, peuvent se dilater sans changer de température, et par une compression infiniment lente obtenue au moyen d’une pression égale à celle du gaz, chose évidemment impossible, l’annulation d’une formule différentielle, puis une intégration, permettent d’obtenir une fonction de la température et du volume qui, parce qu’elle est constante, correspond par hypothèse à l’entropie. L’accroissement de l’entropie est fonction de l’accroissement de l’énergie, de l’accroissement du volume, de la pression, de la température et de la masse ; ou encore il est proportionnel à la masse et au rapport de la chaleur fournie à la température. D’autres calculs permettent d’appliquer la notion d’entropie aux gaz qui existent. Tel fut le couronnement de la science classique, qui devait dès lors se croire capable, par les calculs, les mesures, les équivalences numériques, de lire, à travers tous les phénomènes qui se produisent dans l’univers, de simples variations de l’énergie et de l’entropie conformes à une loi simple. L’idée d’une telle réussite avait de quoi enivrer les esprits. La catastrophe vint peu après.

La grandeur de cette entreprise de quatre siècles ne peut être niée. La nécessité qui nous contraint dans l’action la plus simple nous donne, dès que nous la rapportons aux choses, l’idée d’un monde si complètement indifférent à nos désirs que nous éprouvons combien nous sommes près de n’être rien. En nous pensant nous-mêmes, si l’on peut s’exprimer ainsi, du point de vue du monde, nous parvenons à cette indifférence à l’égard de nous-