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qu’avaient trouvé les Bernoulli et d’Alembert, et au moyen du calcul différentiel, parvint à définir par une formule unique tous les états possibles d’équilibre ou de mouvement de n’importe quel système de corps soumis à des forces quelconques, formule qui n’a rapport qu’à des distances et à des forces — ou, ce qui revient au même, à des masses et à des vitesses — c’est-à-dire à quelque chose d’analogue au poids ; de là Maxwell, en un éclair de génie, conclut que si l’on peut imaginer un modèle mécanique d’un phénomène, on peut en imaginer une infinité. Il est sous-entendu qu’ils sont tous égaux en valeur explicative. Dès lors il est inutile d’en imaginer même un ; il suffit d’établir qu’il est possible d’en imaginer. La notion d’énergie, fonction de la distance et de la force, ou encore de la masse et de la vitesse, mesure commune de tous les travaux, c’est-à-dire de toutes les transformations analogues à l’élévation ou à la chute d’un poids, en fournit le moyen ; la formule unique de la dynamique exprime que d’un état d’un système à un autre état la variation de cette fonction est nulle si aucune force extérieure à ce système n’est intervenue. Appliquer une telle formule à un phénomène, c’est établir qu’il est possible d’imaginer pour ce phénomène un modèle mécanique. Ainsi on ne se préoccupe plus des intermédiaires, on pose seulement que le rapport entre deux états successifs expérimentalement constatés d’un système est identique ou équivalent au rapport entre le point de départ et l’aboutissement d’un travail humain ; et pour chaque espèce de phénomènes on cherche à établir des équivalences numériques entre certaines mesures prises au cours des expériences, d’une part, d’autre part les distances et les poids qui constituent pour l’homme les obstacles