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PIERRE

Voyons, vous me dites cela, à moi qui renoncerais pour lui au trône d’Allemagne si on me l’offrait à un tel prix ? Moi, qui sacrifierais pour son salut tout le globe terrestre et tous les hommes ? Vous croyez que sa vie est un danger pour vous ; mais si je devenais votre ennemi mortel, résolu à tout pour vous perdre, est-ce que cela aussi ne serait pas dangereux ?

RENAUD

Ne parlez pas ainsi ; je ne ferai rien sans votre consentement. Je croyais qu’en vous engageant dans une si grande entreprise, qui va changer la face du monde et décider des siècles à venir, vous étiez résolu à sacrifier à notre succès tous les sentiments. Nous avons exigé de chacun une telle résolution.

PIERRE

Oui, tous les sentiments, c’est vrai, sauf un, sauf mon amitié. Demandez-moi n’importe quoi d’autre, mais ne touchez pas à mon ami.

RENAUD

Très bien, je cède, et je souhaite que vous ayez raison dans votre confiance en lui. Mais écoutez-moi bien : je sens que votre ami nous perdra. Il a eu une défaillance, il en aura d’autres. Vous regret-