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porte sous sa robe le talisman qui lui donne sa hauteur, sa couleur, sa beauté, et que le vol en est puni de mort.

« A-t-il volé le cadavre ? » s’écria avec horreur Chrysè en s’avançant vers la bûche. Mais les étincelles l’obligèrent à reculer.

Et tous, blêmes, entendirent le bruit d’une lutte acharnée. Et tout à coup s’éleva une ombre d’un bleu livide, tandis que, fermant les yeux, tous s’écriaient : « Le fantôme de Phaidros ! » Quand ils les rouvrirent, l’apparition avait disparu.

Tout, alentour, était plongé dans l’ombre. Seules, les cendres étaient rouges.

Bientôt, les étincelles cessèrent, et les Phlogos crièrent miracle : car Phaidros apparaissait, plus brillant que jamais.

Éméra, en effet, l’avait étourdi, mais non tué, et lui avait pris son talisman. Quand il reprit ses sens, ils se battirent ; Phaidros, dépouillé de sa robe, dut fuir un instant vers le bal, mais bientôt se jeta sur Éméra, et l’égorgea.

Phaidros se jeta dans les bras de sa belle fiancée à la robe d’or (ce qui est le mariage des lutins) et ils dansèrent une « orchèsis » endiablée, allant plus vite que le vent, jetant des étincelles, où l’on ne pouvait les distinguer, où ils étincelaient, voilés par une poussière d’or.