Page:Weil - Poèmes suivis de Venise sauvée, 1968.djvu/45

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LA MER

Mer docile au frein, mer soumise en silence,
Mer éparse, aux flots enchaînés pour toujours,
Masse offerte au ciel, miroir d’obéissance ;
Pour y tisser chaque nuit des plis nouveaux,
Les astres au loin sans effort ont puissance.

Lorsque le matin vient combler tout l’espace,
Elle accueille et rend le don de la clarté.
Un éclat léger se pose à la surface.
Elle s’étend dans l’attente et sans désir,
Sous le jour qui croît, resplendit et s’efface.

Les reflets du soir feront luire soudaine
L’aile suspendue entre le ciel et l’eau.
Les flots oscillants et fixés à la plaine,
Où chaque goutte à son tour monte et descend,
Demeurent en bas par la loi souveraine.

La balance aux bras secrets d’eau transparente
Se pèse elle-même, et l’écume, et le fer,
Juste sans témoin pour chaque barque errante.
Sur le navire un fil bleu trace un rapport,
Sans aucune erreur dans sa ligne apparente.