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Ta flamme glisse d’heure en heure ;
Ton aile à l’éclat calme effleure
Tour à tour les pâles pays.
Les airs sont en fleurs sur tes traces.
Qu’une fois par les lents espaces
On veille alors que tu jaillis !

Que d’un chant d’ange l’aube appelle
Un cœur soudain muet et clair
A la douceur de la nouvelle
Qui palpite éparse dans l’air.
Que ce long jour lui soit le pacte
Qui joigne sans fin l’âme exacte
À la balance innée aux cieux.
Ô long jour qu’il va boire avide,
Passe et le comble par un vide
Qui fait de lui l’égal des dieux.

En vain vont pâlir sur la plaine
Ce soir les suprêmes lueurs.
Le ciel en vain mouvant entraîne
Les sereines heures ailleurs.
Ce jour de céleste silence
Livre à jamais au monde immense
Un esprit transpercé d’amour,
Même si son moment s’apprête
Et si le sort aveugle arrête
Que soit venu son dernier jour.