Page:Weil - Poèmes suivis de Venise sauvée, 1968.djvu/43

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Tout est clos sur la foule obscure
Dont tremblent les membres liés.
Aux destins soumis à l’injure,
Aux longs efforts humiliés,
Que les claires plaines sont grises !
Même dans la tiédeur des brises,
Même en marche au milieu d’un champ,
L’opprobre et la stupeur amère
Auront interdit ciel et terre
Tout ce jour au jour caressant.

Mais plus de nuit couvre l’espèce
Qui fourmille par les cités
Des êtres à la chair épaisse
Dont l’esprit dort sous les clartés.
Ils ne tressaillent qu’à la foudre
Dès que pour détruire et dissoudre
Elle tombe les traverser.
Ce jour heureux qui vient de naître,
Nul n’aura-t-il su le connaître
Lorsque son cours devra cesser ?

*

Faible rire brillant de larmes,
Début d’un jour parmi les jours,
Viens, prends-nous, lève les alarmes,
Monte, illumine, allume, accours !