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À UN JOUR

Hors des brumes le jour se lève
Par-delà les cimes des monts.
L’univers va chasser le rêve ;
Qu’il paraisse ! Adieu les démons !
Quand la clarté pâle et glacée
Pénètre l’âme, traversée
Soudain de ses traits déchirants,
Du frisson de chaque herbe frêle
Qu’un silence monte et se mêle
Sans terme aux déserts transparents !

Quel cœur ne fend, si la subite
Et douce atteinte du matin
Défait l’ombre où tout bas s’agite
Doute, remords, peur du destin ?
La grâce lui fait mal ; il saigne
Devant les plaines où l’eau baigne
Des plis de brouillard délicat,
La ramure qui tremble nue,
L’aile qui glisse suspendue,
L’air inondé d’un faible éclat.