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Puis retournent combattre ; et de nouveau la guerre
Gronde, et l’on rivalise à qui le vengera.
Le mort s’ajoute au mort ; d’autres blessés sans cesse,
Par le glaive frappés, s’ajoutent aux blessés ;
Puis, sans même sentir ce glaive qui les blesse,
Se lèvent pour frapper, frapper, avec ivresse,
Tant, que leurs bras en sont lassés.

Et le jeune homme ardent qui songe à Charlemagne
Veut, à son tour, combattre, et lutter, et mourir ;
Marcher, marcher sans fin, par val et par montagne,
À la suite d’un chef, et sans songer à fuir.
Un sang jeune et bouillant dans ses veines ardentes
S’épand ; il ne sait pas que les temps sont passés
Où l’homme frappait l’homme avec ses mains sanglantes
Et nourrissait sans fin ses ivresses brûlantes
Avec des crânes fracassés !

Le jeune homme, à présent, ne peut plus, dans la guerre,
Assouvir son besoin d’agir et de lutter ;
Les soldats d’aujourd’hui luttent — combat sévère ! —
Sans glaive, dans la boue, et sans pouvoir frapper.
Mais s’il ne peut rêver de suivre cette route,
Mais s’il ne peut rêver d’imiter ces soldats,
Qu’il ne s’afflige pas ! et plutôt qu’il écoute