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Lundi 20 septembre 1937.
Mademoiselle ou Madame,

Je vous remercie de la lettre que vous avez l’amabilité de m’écrire. Mais ne vous flattez pas que mon jugement vaille grand-chose quant à la poésie. Mes sentiments sur cet art sont si particuliers et formés par des circonstances si diverses que je ne puis équitablement les appliquer aux œuvres d’autrui, je sais par expérience qu’ils m’égarent assez souvent.

Ceci dit, je viens à vos vers. Ils sont fort bien faits, vous ne l’ignorez pas. Déchirons-les un peu. « Tremblant de lassitude » ne va pas. « Tout entre en joie. » Je n’aime pas beaucoup le dernier vers : « Faut-il, etc. »

Et encore : la strophe de x sur 10 est trop longue. Avec des vers de x syllabes ce type est lourd, et sa structure de rimes croisées perd son « cantabile ».

Enfin, quant à l’ensemble, le poème est un peu trop sensiblement « didactique ». Vous observerez qu’il accumule quantité de notions : Il fit.. Il fit.. Il donna, etc.

C’est trop instructif.