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Je suis fou. La détresse a fait succomber ma raison.
Pardonnez, car c’est vous qui me faites tomber si bas.
Vous à qui j’ai remis comme un dépôt tout mon honneur,
Ah ! vous faites de moi un assassin de mes amis,
Un traître. Et cependant j’avais de l’honneur autrefois.
Je sais que je n’ai pas toujours été un misérable.
Vous seul vous me rendrez mon honneur, vous que je supplie,
Vous vers qui mon espoir monte comme il irait vers Dieu,
Vous qui ferez donner la liberté à mon ami.
Voyez, mon bienfaiteur, je vous appartiens tout entier,
Votre esclave à jamais. Mon âme et mes jours sont à vous.
Quoi, vous vous détournez ? Osez-vous donc me refuser ?
Mais j’ai des droits sur vous ; songez que j’ai votre parole ;
Je suis votre sauveur. Non, non, pardon, je vous irrite ;
Je tairai tout cela, je n’invoquerai plus de droit,
Mes larmes seulement, seul droit qui reste aux malheureux.
Ne vous éloignez pas, il faut que je vous parle encore.
Hélas ! hélas ! que dire ? Où trouverai-je encor des mots ?
Je n’ai plus que les mots, ayant donné tout mon pouvoir,