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Un projet dirigé contre votre cité chérie,
Ah ! tuez-moi, moi seul, laissez la vie à mes amis.
C’est moi qui fus leur chef, il convient de me mettre à mort.
Vous leur direz, hélas ! que je les avais tous livrés,
Que vous tuez un traître, et que votre bonté les sauve,
Et la reconnaissance alors vous les rendra fidèles.
Songez qu’un tel noyau d’hommes de vaillance et d’audace,
On en voit rarement, qu’il est beau de les épargner.
Sauvez-les, tuez-moi, gardez ainsi votre serment,
Préservez votre honneur. Car si vous tuez mes amis,
Le monde entier par moi connaîtra, ne l’oubliez pas,
Comment Venise entend la sainteté d’une promesse.
Vous n’avez qu’à gagner, rien à perdre à les laisser vivre.
Les Dix le comprendront. Menez-moi vers eux sans délai.
Après ce que j’ai fait, vous ne pouvez le refuser.

LE SECRÉTAIRE
As-tu bien retenu mes ordres, Bassio ? Tu me rendras compte de leur exécution.
JAFFIER

Vous ne répondez pas ? Vous ne répondez même pas ?
Ah ! vous ne pouvez pas me traiter avec ce mépris !