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LE SECRÉTAIRE

Bassio, tu attendras ici de voir apparaître le signal annonçant que tous les condamnés ont été exécutés. Tu mèneras ensuite celui-ci jusqu’à la frontière, sous escorte. Tu es responsable de lui. N’oublie pas que les Dix ont décidé de lui laisser la vie. Mais ne le laisse à aucun prix sortir de tes mains avant qu’il franchisse la frontière, et ne le laisse parler à personne. Tu lui remettras l’or que les Dix m’ont chargé de lui donner. Quand tu l’auras vu s’éloigner du territoire de Venise, reviens aussitôt.

JAFFIER

Laissez-moi vous parler avant que tout soit accompli.
Si j’ai dans ma douleur prononcé des mots offensants,
Pardon, je les retire. Écoutez ce que je demande.
Je veux être amené chez les Dix encore une fois.
Ne me refusez pas ; daignez entendre mes raisons.
Vous savez bien qu’hier, si je n’avais pas eu pitié,
Nous aurions accompli facilement notre dessein,
Et que j’avais sur vous, à votre insu, toute puissance.
Ce pouvoir que j’avais, la pitié me l’a fait quitter,
Je l’ai mis en vos mains, et je n’ai reçu en échange,
Hélas, qu’une parole. Ainsi vous devez m’écouter.
Puisque mon seul recours à présent, c’est votre parole,
Vous devez me permettre au moins de vous la rappeler.