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attendant la torture et la mort imminentes, entremêlent leurs paroles.

OFFICIER I, explosion de lâcheté.

Il faut qu’on me fasse grâce, je ne suis pas coupable, ce n’est pas moi, on m’a entraîné.

Officier III, fureur contre Jaffier (après qu’il a entendu ce qu’en dit Renaud).

Officier II, sang-froid de beau joueur qui a joué et perdu. Reproche à tous les autres leur attitude.

Renaud, dépouillé de la raison d’État, nu. Horrible amertume, non de mourir, mais de perdre tout espoir de puissance, de fortune et de gloire. Il dévoile ses ambitions ; la réussite de cette affaire devait lui procurer une haute charge à la cour d’Espagne, et il espérait, par son habileté, devenir peu à peu le favori du roi, être maître un jour, sous le nom du roi, de toutes les terres soumises à la couronne d’Espagne et même de beaucoup d’autres. Envie amèrement Bedmar, qui a échoué, mais vivra et pourra réussir plus tard. Le rêve que porte en lui Bedmar continue. Bedmar pourra un jour l’imposer aux hommes et aux choses. Lui-même, échec définitif. Maudit Jaffier, à qui il attribue sa perte. Se maudit de ne pas l’avoir fait mourir à temps comme il en avait eu la pensée. Maudit Pierre qui l’a empêché de faire mourir Jaffier.

Pierre est toujours sûr de Jaffier. Sûr qu’il est déjà mort, ou, comme eux, enchaîné et attendant la mort quelque part.

PIERRE

… Car s’il était vivant et libre, il serait près de