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asservie ? Comment vivrions-nous ? Nous ne pourrions pas vivre, nous serions dans un désert.

Cf. paroles de Renaud, scène VI.

Cela n’arrivera jamais, jamais. Dieu ne permettrait pas qu’une chose si belle soit détruite. Et qui voudrait faire du mal à Venise ? L’ennemi le plus haineux n’aurait pas le cœur de le faire. Qu’est-ce qu’un conquérant gagnerait à supprimer la liberté de Venise ? Seulement quelques sujets de plus. Qui voudrait, pour si peu, détruire quelque chose de si beau, quelque chose d’unique ! Faire du mal à Venise ! Sa beauté la défend mieux que les soldats, mieux que les soins des hommes d’État ! N’est-ce pas vrai, monsieur Jaffier ?

Tout cela est coupé de répliques de Jaffier. Il donne raison à Violetta sur un ton mêlé de léger badinage et d’enthousiasme. C’est progressivement, de réplique en réplique (couples de deux vers ?) que le ton de Jaffier passe du badinage à l’amour concernant Venise. Il faut une résonance de douleur dans tout ce qu’il dit là. C’est un des points culminants.

JAFFIER

Une chose telle que Venise, aucun homme ne peut la faire. Dieu seul. Ce qu’un homme peut faire de plus grand, qui l’approche le plus de Dieu, c’est, puisqu’il ne peut créer de telles merveilles, de préserver celles qui existent.

Il donnerait volontiers sa vie, quoique étranger, pour préserver Venise. Violetta est heureuse de ces paroles. Elle regrette que Jaffier ne soit pas de Venise.