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un poème, tel que l’Iliade, rend cette beauté sensible.

L’homme ne peut jamais sortir de l’obéissance à Dieu. Une créature ne peut pas ne pas obéir. Le seul choix offert à l’homme comme créature intelligente et libre, c’est de désirer l’obéissance ou de ne pas la désirer. S’il ne la désire pas, il obéit néanmoins, perpétuellement, en tant que chose soumise à la nécessité mécanique. S’il la désire, il reste soumis à la nécessité mécanique, mais une nécessité nouvelle s’y surajoute, une nécessité constituée par les lois propres aux choses surnaturelles. Certaines actions lui deviennent impossibles, d’autres s’accomplissent à travers lui parfois presque malgré lui.

Quand on a le sentiment que dans telle occasion on a désobéi à Dieu, cela veut dire simplement que pendant un temps on a cessé de désirer l’obéissance. Bien entendu, toutes choses égales d’ailleurs, un homme n’accomplit pas les mêmes actions selon qu’il consent ou non à l’obéissance ; de même qu’une plante, toutes choses égales d’ailleurs, ne pousse pas de la même manière selon qu’elle est dans la lumière ou dans les ténèbres. La plante n’exerce aucun contrôle, aucun choix dans l’affaire de sa propre croissance. Nous, nous sommes comme des plantes qui auraient pour unique choix de s’exposer ou non à la lumière.

Le Christ nous a proposé comme modèle la docilité de la matière en nous conseillant de regarder les lis des champs qui ne travaillent ni ne filent. C’est-à-dire qu’ils ne se sont pas proposé de revêtir telle ou telle couleur, ils n’ont pas mis en mouvement leur volonté ni disposé des moyens à cette fin, ils ont reçu tout ce