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rieurs à l’exil. La puissance est au premier plan, non l’amour.

Même dans les plus beaux passages de l’Ancien Testament, il y a peu d’indications de contemplation mystique, sauf le Cantique des Cantiques, bien entendu.

Dans les choses grecques, au contraire il y a des quantités de telles indications. Par exemple l’Hippolyte d’Euripide. Les vers d’Eschyle : « Quiconque, la pensée tournée vers Zeus, criera sa gloire, — celui-là recevra la plénitude de la sagesse ; — Zeus qui a donné aux hommes la voie de la sagesse — en leur assignant comme loi souveraine par la souffrance la connaissance. — Elle se distille dans le sommeil auprès du cœur, — la souffrance qui est mémoire douloureuse ; et même à qui ne veut pas vient la sagesse. — De la part des divinités, c’est là une grâce violente. » L’expression « par la souffrance la connaissance », rapprochée de l’histoire de Prométhée dont le nom veut dire « pour la connaissance » (ou encore « Providence »), semble signifier ce qu’a voulu exprimer saint Jean de la Croix en disant qu’il faut passer par la Croix du Christ pour entrer dans les secrets de la sagesse divine.

La reconnaissance d’Oreste et d’Électre dans Sophocle ressemble au dialogue de Dieu et de l’âme dans un état mystique succédant à une période de « nuit obscure ».

Les textes taoïstes de Chine, antérieurs à l’ère chrétienne — certains antérieurs de cinq siècles — renferment aussi des pensées identiques à celles des