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qui a jamais trouvé légitime qu’un juge s’approprie la fortune de celui qu’il condamne ?

Sur la parole de Moïse, ils disaient que Dieu leur commandait tout cela. Mais ils n’avaient pour preuve que des prodiges. Quand un commandement est injuste, un prodige est bien peu pour faire admettre qu’il vient de Dieu. Au reste, les pouvoirs de Moïse étaient de même nature que ceux des prêtres égyptiens ; il n’y avait qu’une différence de degré.

Iaveh apparaît dans cette partie de l’histoire comme un dieu national hébreu plus puissant que les dieux égyptiens. Il ne demande pas au Pharaon de l’adorer, seulement de laisser les Hébreux l’adorer.

Il est dit dans Chron., XVIII, 19 : « L’Éternel dit : « Qui ira séduire Achab, roi d’Israël ?… » L’Esprit s’avança… et dit : « … J’irai et je serai un esprit de mensonge dans la bouche de tous ses prophètes ». »

C’est là la clef de toutes les singularités de l’Ancien Testament. Les Hébreux — jusqu’à l’exil qui les a mis en contact avec la sagesse chaldéenne, perse et grecque — n’avaient pas la notion d’une distinction entre Dieu et le diable. Ils attribuaient indistinctement à Dieu tout ce qui est extra-naturel, les choses diaboliques comme les choses divines, et cela parce qu’ils concevaient Dieu sous l’attribut de la puissance et non pas sous l’attribut du bien.

La parole du diable au Christ rapportée par saint Luc : « Je te donnerai toute cette puissance et la gloire qui y est attachée, car elle m’a été abandonnée, à moi et à quiconque il me plaît d’en faire part »