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Israël a été élu seulement en un sens, c’est que le Christ y est né. Mais aussi il y a été tué. Les Juifs ont eu plus de part dans cette mort que dans cette naissance. L’élection d’Israël peut s’entendre à la fois dans deux sens, au sens où Joseph a été élu pour nourrir Jésus et où Judas a été élu pour le trahir. Le Christ a trouvé des disciples dans Israël, mais après qu’il les avait formés pendant trois ans d’enseignement patient, ils l’ont abandonné. L’eunuque d’Éthiopie, lui, n’a eu besoin que de quelques minutes pour comprendre. Ce n’est pas étonnant, car d’après Hérodote l’Éthiopie n’adorait comme divinités que Zeus et Dionysos, c’est-à-dire le Père et le Fils, Fils né sur terre d’une femme, mis à mort dans la souffrance et cause de salut pour ceux qui L’aiment. Il était tout préparé.

Tout ce qui dans le christianisme est inspiré de l’Ancien Testament est mauvais, et d’abord la conception de la sainteté de l’Église, modelée sur celle de la sainteté d’Israël.

Après les premiers siècles, dont on ne sait presque rien, la chrétienté — tout au moins en Occident — a abandonné l’enseignement du Christ pour revenir à l’erreur d’Israël sur un point jugé par le Christ lui-même le plus important de tous.

Saint Augustin dit que si un infidèle habille ceux qui sont nus, refuse de porter un faux témoignage même sous la torture, etc., il n’agit pas bien, quoique Dieu à travers lui opère de bonnes œuvres. Il dit aussi que celui qui est hors de l’Église, infidèle ou hérétique, et qui vit bien, est comme un bon coureur