Page:Weil - Pensées sans ordre concernant l’amour de DIeu, 1962.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans aucune restriction pour éprouver combien il est abstrait et verbal. Dès lors le problème de la foi ne se pose pas. Tant qu’un être humain n’a pas été pris par Dieu, il ne peut pas avoir la foi, mais seulement une simple croyance ; et qu’il ait ou non une telle croyance n’importe guère, car il arrivera aussi bien à la foi par l’incrédulité. Le seul choix qui s’offre à l’homme, c’est d’attacher ou non son amour ici-bas. Qu’il refuse d’attacher son amour ici-bas, et qu’il reste immobile, sans chercher, sans bouger, en attente, sans essayer même de savoir ce qu’il attend ; il est absolument sûr que Dieu fera tout le chemin jusqu’à lui. Celui qui cherche gêne l’opération de Dieu plus qu’il ne la facilite. Celui que Dieu a pris ne cherche plus du tout Dieu au sens où Pascal semble employer le mot de chercher.

Comment pourrions-nous chercher Dieu, puisqu’il est en haut, dans la dimension que nous ne pouvons pas parcourir ? Nous ne pouvons marcher qu’horizontalement. Si nous marchons ainsi, cherchant notre bien, et si la recherche aboutit, cet aboutissement est illusoire, ce que nous aurons trouvé ne sera pas Dieu. Un petit enfant qui soudain dans la rue ne voit pas sa mère à ses côtés court en tous sens en pleurant, mais il a tort ; s’il a assez de raison et de force d’âme pour s’arrêter et attendre, elle le trouvera plus vite. Il faut seulement attendre et appeler. Non pas appeler quelqu’un, tant qu’on ne sait pas s’il y a quelqu’un. Crier qu’on a faim, et qu’on veut du pain. On criera plus ou moins longtemps, mais finalement on sera nourri, et alors on ne croira pas,