plus possible de concevoir ni d’aimer Dieu. Au-dessous de nous il n’y a que les animaux. Nous sommes aussi médiocres, aussi loin de Dieu qu’une créature raisonnable peut l’être. C’est un grand privilège. C’est pour nous que Dieu doit faire le plus long chemin s’il veut aller jusqu’à nous. Quand il a pris, conquis, transformé nos cœurs, c’est nous qui avons le plus long chemin à faire pour aller à notre tour jusqu’à lui. L’amour est proportionnel à la distance.
C’est par un amour inconcevable que Dieu a créé des êtres tellement distants de lui. C’est par un amour inconcevable qu’il descend jusqu’à eux. C’est par un amour inconcevable qu’eux ensuite montent jusqu’à lui. Le même amour. Ils ne peuvent monter que par l’amour que Dieu a mis en eux quand il est allé les chercher. Et cet amour est le même par lequel il les a créés si loin de lui. La Passion n’est pas séparable de la Création. La Création elle-même est une espèce de passion. Mon existence elle-même est comme un déchirement de Dieu, un déchirement qui est amour. Plus je suis médiocre, plus éclate l’immensité de l’amour qui me maintient dans l’existence.
Le mal que nous voyons partout dans le monde sous forme de malheur et de crime est un signe de la distance où nous sommes de Dieu. Mais cette distance est amour et par suite doit être aimée. Ce n’est pas qu’il faille aimer le mal. Mais il faut aimer Dieu à travers le mal. Quand un enfant en jouant brise un objet précieux, la mère n’aime pas cette destruction. Mais si plus tard son fils s’en va au loin ou meurt, elle pense à cet accident avec une tendresse infinie