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d’autre part aux frères du Christ qui sont les hommes ; et d’accorder aux travailleurs de les accomplir dans un esprit de patience, de sacrifice et d’amour. Au début de chaque nouvelle période de travaux, cette prière serait suivie de la bénédiction des outils.

Les dimanches où le travail trop pressant empêcherait les fidèles d’aller à l’église, le curé irait dans les champs y faire réciter cette prière et un Pater. Ainsi les paysans n’auraient pas le sentiment qu’il y a concurrence et hostilité entre le travail et l’église.

Une espèce de textes évangéliques convenant particulièrement aux paysans, ce sont tous ceux où il est question de la patience (« Ils porteront des fruits dans la patience »). Ils sont à lire et à commenter surtout dans les périodes de journées interminables de travail, ou quand le caprice du temps oblige à faire et refaire le même travail plusieurs fois.

Une autre pensée à leur développer souvent, c’est qu’en dehors de l’Eucharistie il y a une autre circonstance où le pain devient la chair du Christ. C’est quand il est donné aux malheureux dans un mouvement de compassion pure. Le Christ a dit : « J’ai eu faim et tu m’as donné à manger… » Par conséquent le pain reçu, mangé et digéré par un homme qui a faim, en devenant sa chair, devient la chair du Christ.

C’est-à-dire surtout dans les pays où il y a des gens qui ont faim.

Même en dehors des occasions où il donne, un paysan sanctifie son travail si, en travaillant, il est heureux de penser qu’il fabrique de la nourriture qui