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Il n’y a de pur ici-bas que les objets et les textes sacrés, la beauté de la nature si on la regarde pour elle-même et non pas pour y loger ses rêveries, et, à un degré moindre, les êtres humains en qui Dieu habite et les œuvres d’art issues d’une inspiration divine.

Ce qui est parfaitement pur ne peut pas être autre chose que Dieu présent ici-bas. Si c’était autre chose que Dieu, cela ne serait pas pur. Si Dieu n’était pas présent, nous ne pourrions jamais être sauvés. Dans l’âme où s’est produit un tel contact avec la pureté, toute l’horreur du mal qu’elle porte en soi se change en amour pour la pureté divine. C’est ainsi que Marie-Madeleine et le bon larron ont été des privilégiés de l’amour.

Le seul obstacle à cette transmutation de l’horreur en amour, c’est l’amour-propre qui rend pénible l’opération par laquelle on porte sa souillure au contact de la pureté. On ne peut en triompher que si on a une espèce d’indifférence à l’égard de sa propre souillure, si on est capable d’être heureux, sans retour sur soi-même, à la pensée qu’il existe quelque chose de pur.

Le contact avec la pureté produit une transformation dans le mal. Le mélange indissoluble de la souffrance et du péché ne peut être dissocié que par lui. Par ce contact, peu à peu la souffrance cesse d’être mélangée de péché ; d’autre part le péché se transforme en simple souffrance. Cette opération surnaturelle est ce qu’on nomme le repentir. Le mal qu’on porte en soi est alors comme éclairé par de la joie.