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Je ne peux discerner aucun mobile humain ou démoniaque susceptible d’être la cause d’une telle attitude. Elle ne peut produire que des peines, de l’inconfort moral et de l’isolement.

L’orgueil surtout ne peut pas en être cause ; car il n’y a rien qui puisse flatter l’orgueil dans une situation où on est aux yeux des incroyants un cas pathologique, parce qu’on adhère à des dogmes absurdes sans avoir l’excuse de subir une emprise sociale, et où on inspire aux catholiques la bienveillance protectrice, un peu dédaigneuse, de celui qui est arrivé pour celui qui est en marche.

Je ne vois donc aucune raison de repousser le sentiment qui est en moi, que je demeure dans cette attitude par obéissance à Dieu ; que si je la modifiais j’offenserais Dieu, j’offenserais le Christ, qui a dit : « Je suis la vérité. »

D’autre part j’éprouve, depuis déjà longtemps, un désir intense et perpétuellement croissant de la communion.

Si on regarde les sacrements comme un bien, si je les regarde ainsi moi-même, si je les désire, et si on me les refuse sans aucune faute de ma part, il ne se peut pas qu’il n’y ait pas la une cruelle injustice.

Si on m’accorde le baptême, étant dans l’attitude où je persévère, en ce cas on rompt avec une routine d’au moins dix-sept siècles.

Si cette rupture est juste et désirable, si aujourd’hui précisément elle se trouve être pour le salut du christianisme d’une urgence plus que vitale — ce qui est manifeste à mes yeux — il faudrait alors,