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L’homme ne peut se dispenser des actes prescrits, mais ce n’est pas pour autant qu’il agit qu’il est susceptible d’être aimé par Dieu.

« Qui de vous, ayant un esclave qui laboure ou garde les bêtes, quand il revient des champs lui dira : « Viens vite et étends-toi pour manger » ? Ne dira-t-il pas : « Prépare mon repas, ceins-toi, sers-moi à manger et à boire, et après cela tu mangeras et tu boiras toi-même » ? Et aura-t-il aucune gratitude pour l’esclave parce qu’il a exécuté ses ordres ? De même vous, quand vous aurez fait tout ce qui vous est prescrit, dites : « Nous sommes des esclaves sans valeur ; ce à quoi nous étions obligés, nous l’avons fait. » (Luc, 17, 7.)

L’esclave qui reçoit l’amour, la gratitude et jusqu’au service de son maître n’est pas celui qui laboure et fait la moisson. C’en est un autre.

Non pas qu’il y ait à choisir entre deux manières de servir Dieu. Ces deux esclaves représentent la même âme sous deux relations différentes, ou encore deux parties inséparables de la même âme.

L’esclave qui sera aimé est celui qui se tient, debout et immobile près de la porte, en état de veille, d’attente, d’attention, de désir, pour ouvrir dès qu’il entendra frapper.

Ni la fatigue, ni la faim, ni les sollicitations, les invitations amicales, les injures, les coups ou les railleries de ses camarades, ni les rumeurs qui peuvent circuler autour de lui, selon lesquelles son maître serait mort, ou encore irrité contre lui et résolu à