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elle est tout près d’un seuil au-delà duquel le martyre est facile.

Dans son effort désespéré pour survivre et pour échapper à la destruction par le feu, la partie médiocre de l’âme, avec une activité fébrile, invente des arguments. Elle les emprunte à n’importe quel arsenal, y compris la théologie et tous les avertissements sur les dangers des sacrements indignes.

À condition que ces pensées ne soient absolument pas écoutées par l’âme où elles surgissent, ce tumulte intérieur est infiniment heureux.

Plus est violent le mouvement intérieur de recul, de révolte et de crainte, plus il est certain que le sacrement va détruire beaucoup de mal dans l’âme et la transporter beaucoup plus près de la perfection.

« Le grain de sénevé est la plus petite des graines. »

L’atome imperceptible de bien pur logé dans l’âme par un mouvement de désir réel vers Dieu est cette graine. S’il n’est pas arraché par une trahison consentie, il en sortira infailliblement avec le temps des branches où se poseront les oiseaux du ciel.

Le Christ a dit (Marc, 4, 26) : « Le royaume de Dieu, c’est comme si un homme jette du grain dans la terre, puis dort et veille la nuit et le jour, et le grain germe et s’allonge sans que lui-même sache comment. Automatiquement la terre porte le fruit : d’abord l’herbe, puis l’épi, puis la plénitude du grain dans l’épi. Et quand elle a fourni le grain, il envoie la faux, parce que la moisson est là. »

Quand l’âme a une fois franchi un seuil par un contact réel avec le bien pur — ce dont le tumulte