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Il y a une double condition pour cette vertu de la croyance dans le mécanisme surnaturel du sacrement.

Il faut que l’objet du désir ne soit pas autre chose que le bien unique, pur, parfait, total, absolu et inconcevable pour nous. Beaucoup de gens mettent le mot Dieu comme étiquette sur une conception qu’a fabriquée leur âme ou qu’a fournie le milieu environnant. Il y a beaucoup de conceptions de ce genre, qui ressemblent de plus ou moins près au vrai Dieu, mais que l’âme peut penser sans avoir en fait l’attention orientée hors de ce monde. En ce cas la pensée, quoique en apparence occupée de Dieu, continue à séjourner dans ce monde, et la croyance, selon la loi de ce monde, est fabricatrice d’illusion, non de vérité.

Cet état n’est pourtant pas sans espérance, car le nom de Dieu et celui du Christ ont par eux-mêmes une telle vertu qu’ils peuvent avec le temps en sortir l’âme et la tirer dans la vérité.

La seconde condition est que la croyance en une certaine identité entre le morceau de pain et Dieu ait pénétré l’être tout entier au point d’imprégner non pas l’intelligence, qui ne peut avoir là aucune part, mais tout le reste de l’âme, l’imagination, la sensibilité, presque la chair elle-même.

Quand ces deux conditions existent, et que l’approche du contact avec le pain est sur le point de soumettre le désir à l’épreuve du réel, il se passe réellement quelque chose dans l’âme.

Tant qu’un désir n’a pas de contact avec le réel, il