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quoi du malheur dure des heures, des jours, des années ; il ne cesse que par épuisement.

Celui qui est capable non pas seulement de crier, mais aussi d’écouter, entend la réponse. Cette réponse, c’est le silence. C’est ce silence éternel que Vigny a reproché amèrement à Dieu ; mais il n’avait pas le droit de dire quelle est la réponse du juste à ce silence, car il n’était pas un juste. Le juste aime. Celui qui est capable non seulement d’écouter mais aussi d’aimer entend ce silence comme la parole de Dieu.

Les créatures parlent avec des sons. La parole de Dieu est silence. La secrète parole d’amour de Dieu ne peut pas être autre chose que le silence. Le Christ est le silence de Dieu.

Il n’y a pas d’arbre comme la Croix, il n’y a pas non plus d’harmonie comme le silence de Dieu. Les Pythagoriciens saisissaient cette harmonie dans le silence sans fond qui entoure éternellement les étoiles. La nécessité ici-bas est la vibration du silence de Dieu.

Notre âme fait continuellement du bruit, mais il est un point en elle qui est silence et que nous n’entendons jamais. Quand le silence de Dieu entre dans notre âme, la perce et vient rejoindre ce silence qui est secrètement présent en nous, alors désormais nous avons en Dieu notre trésor et notre cœur ; et l’espace s’ouvre devant nous comme un fruit qui se sépare en deux, car nous voyons l’univers d’un point situé hors de l’espace.

Il n’y a que deux voies possibles pour cette opération, à l’exclusion de toute autre. Il n’y a que deux