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d’intègre et de sain ; ceux qui sont pourris trouvent même dans les peines qu’elle inflige une sorte de quiétude plus horrible encore. Rien n’est assez pur pour mettre de la pureté dans les lieux réservés aux crimes et aux peines sinon le Christ, lui qui fut un condamné de droit commun.

Mais comme c’est seulement la Croix qui est nécessaire aux États et non pas les complications du dogme, il est désastreux que la Croix et le dogme soient liés d’un lien si solide. Ce lien a enlevé le Christ à ses frères les criminels.

La notion de la nécessité comme matière commune de l’art, de la science et de toute espèce de travail est la porte par où le christianisme peut entrer dans la vie profane et la pénétrer de part en part. Car la Croix, c’est la nécessité elle-même mise en contact avec le plus bas et le plus haut de nous-mêmes, avec la sensibilité charnelle par l’évocation de la souffrance physique, avec l’amour surnaturel par la présence de Dieu. Par suite toute la variété des contacts que peuvent avoir avec la nécessité les parties intermédiaires de notre être y est impliquée.

Il n’y a, il ne peut y avoir, dans quelque domaine que ce soit, aucune activité humaine qui n’ait pour suprême et secrète vérité la Croix du Christ. Aucune ne peut être séparée de la Croix du Christ sans pourrir ou se dessécher comme un sarment coupé. Nous voyons cela se passer sous nos yeux, aujourd’hui, sans le comprendre, et nous nous demandons où gît notre mal. Les chrétiens comprennent moins encore que les autres, car, sachant que ces activités sont his-