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« philosopher, c’est apprendre à mourir », qui était symbolisée dans les initiations des mystères antiques, qui est représentée par le baptême. Il ne s’agit pas en réalité pour l’âme de mourir, mais simplement de reconnaître la vérité qu’elle est une chose morte, une chose analogue à la matière. Elle n’a pas à devenir de l’eau ; elle est de l’eau ; ce que nous croyons être notre moi est un produit aussi fugitif et aussi automatique des circonstances extérieures que la forme d’une vague de la mer.

Il faut seulement savoir cela, le savoir jusqu’au fond de soi-même. Mais Dieu seul a cette connaissance de l’homme, et ici-bas ceux qui ont été engendrés d’en haut. Car on ne peut pas accepter cette mort de l’âme si on n’a pas en plus de la vie illusoire de l’âme une autre vie ; si on n’a pas son trésor et son cœur hors de soi ; non seulement hors de sa personne, mais hors de toutes ses pensées, hors de tous ses sentiments, au-delà de tout ce qui est connaissable, aux mains de notre Père qui est dans le secret. Ceux qui sont ainsi, on peut dire qu’ils ont été engendrés à partir de l’eau et de l’Esprit. Car ils ne sont plus autre chose qu’une double obéissance, d’une part à la nécessité mécanique où ils sont pris du fait de leur condition terrestre, d’autre part à l’inspiration divine. Il n’y a plus rien en eux qu’on puisse appeler leur volonté propre, leur personne, leur moi. Ils ne sont plus autre chose qu’une certaine intersection de la nature et de Dieu. Cette intersection, c’est le nom dont Dieu les a nommés de toute éternité, c’est leur vocation. Dans l’ancien baptême par immersion,