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souverain pour condamner ouvriers ou patrons à dix ans de travaux forcés et confisquer les entreprises.

L’on essaie vainement, pour faire rentrer à tout prix le national-socialisme dans les cadres du marxisme, de trouver, à l’intérieur même du mouvement, une forme déguisée de la lutte des classes entre la base, instinctivement socialiste, et les chefs, qui représenteraient les intérêts du grand capital et auraient pour tâche de duper les masses par une savante démagogie. Tout d’abord rien ne permet d’affirmer avec certitude que Hitler et ses lieutenants, quels que soient leurs liens avec le capital monopolisateur, en sont de simples instruments. Et surtout l’orientation des masses hitlériennes, si elle est violemment anticapitaliste, n’est nullement socialiste, non plus que la propagande démagogique des chefs ; car il s’agit de remettre l’économie non pas entre les mains des producteurs groupés en organisations démocratiques, mais bien entre les mains de l’appareil d’État. Or, bien que l’influence des réformistes et des staliniens l’ait fait oublier depuis longtemps, le socialisme, c’est la souveraineté économique des travailleurs et non pas de la machine bureaucratique et militaire de l’État. Ce qu’on nomme l’aile « national-bolchévique » du mouvement hitlérien n’est donc nullement socialiste. Ainsi les deux phénomènes politiques qui dominent notre époque ne peuvent ni l’un ni l’autre être situés dans le tableau traditionnel de la lutte des classes.

Il en est de même pour toute une série de mouvements contemporains issus de l’après-guerre, et remarquables par leurs affinités aussi bien avec le stalinisme qu’avec le fascisme. Telle est, par exemple, la revue allemande Die Tat, qui groupe une pléiade de jeunes et brillants économistes, est extrêmement proche du national-socialisme et considère l’U.R.S.S. comme le modèle de l’État futur, à l’abolition de la propriété privée près ; elle préconise actuellement