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I


La situation où nous nous trouvons est d’une gravité sans précédent. Le prolétariat le plus avancé, le mieux organisé du monde a non seulement été vaincu, mais a capitulé sans résistance. C’est la seconde fois en vingt ans. Pendant la guerre, nos aînés ont encore pu espérer que le prolétariat russe, par son magnifique soulèvement, allait réveiller les ouvriers européens. Pour nous, rien ne nous permet de former un espoir analogue ; aucun signe n’annonce nulle part une victoire susceptible de compenser l’écrasement sans combat des ouvriers allemands. Jamais peut-être, depuis qu’un mouvement ouvrier existe, le rapport des forces n’a été aussi défavorable au prolétariat qu’aujourd’hui, cinquante ans après la mort de Marx.

Que nous reste-t-il de Marx, cinquante ans après sa mort ? Sa doctrine n’est pas destructible ; chacun peut la chercher dans ses œuvres et se l’assimiler en la pensant à nouveau ; et bien que l’on répande de nos jours, sous le nom de marxisme, quelques formules desséchées et dépourvues de signification réelle, quelques militants remontent aux sources. Mais, bien que les analyses de Marx aient une valeur qui ne peut périr, l’objet de ces analyses, à savoir la société contempo-