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ver chacune son bien propre ; et particulièrement l’intelligence, qui est la plus précieuse après l’amour. Il en est bien effectivement ainsi.

Quand l’intelligence, ayant fait silence pour laisser l’amour envahir toute l’âme, recommence de nouveau à s’exercer, elle se trouve contenir davantage de lumière qu’auparavant, davantage d’aptitude à saisir les objets, les vérités qui lui sont propres.

Bien plus, je crois que ces silences constituent pour elle une éducation qui ne peut avoir aucun autre équivalent et lui permettent de saisir des vérités qui autrement lui resteraient toujours cachées.

Il y a des vérités qui sont à sa portée, saisissables pour elle, mais qu’elle ne peut saisir qu’après avoir passé en silence à travers l’inintelligible.

N’est-ce pas ce que saint Jean de la Croix veut dire en nommant la foi une nuit ?

L’intelligence ne peut reconnaître que par expérience, après coup, les avantages de cette subordination à l’amour. Elle ne les pressent pas d’avance. Elle n’a d’abord