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Constantin put réussir avec le christianisme l’opération que Claude n’avait pas réussie avec Éleusis.

Mais il n’était pas de l’intérêt ni de la dignité de l’Empire que sa religion officielle apparût comme la continuation et le couronnement des traditions séculaires des pays conquis, écrasés et dégradés par Rome — Égypte, Grèce, Gaule. Pour Israël, cela n’avait pas d’importance ; d’abord la nouvelle loi était très loin de l’ancienne ; et puis surtout Jérusalem n’existait plus du tout. Au reste l’esprit de l’ancienne loi, si éloigné de toute mystique, n’était pas si différent de l’esprit romain. Rome pouvait s’accommoder du Dieu des Armées.

Même l’esprit nationaliste juif, en empêchant beaucoup de chrétiens, dès l’origine, de reconnaître l’affinité du christianisme avec la spiritualité authentique des « gentes », était pour Rome un élément favorable dans le christianisme. Cet esprit, chose bizarre, s’était communiqué même à des « païens » convertis.

Rome, comme tout pays colonisateur, avait moralement et spirituellement déra-