Page:Weil - La Source grecque, 1953.djvu/67

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Aux yeux d’Antigone, cette soumission est une lâcheté. Elle agira seule.

Cependant les citoyens de Thèbes, tout joyeux de la victoire et de la paix reconquise, célèbrent l’aube du jour nouveau :


Rayon de soleil,
tu apportes à Thèbes la plus belle lumière.
Tu t’es montré enfin,
ô vil du jour doré…


On s’aperçoit bientôt que quelqu’un a essayé de commencer à ensevelir le cadavre ; on ne tarde pas à prendre Antigone sur le fait ; on l’amène devant le roi. Pour lui, il y a avant tout dans cette affaire une question d’autorité. L’ordre de l’État exige que l’autorité du chef soit respectée. Dans ce qu’Antigone vient de faire, il voit d’abord un acte de désobéissance. Il у voit aussi un acte de solidarité envers un traître à la patrie. C’est pourquoi il lui parle durement. Quant à elle, elle ne nie rien. Elle se sait perdue. Mais elle ne se trouble pas un instant.


Tes ordres, à ce que je pense, ont moins d’autorité
que les lois non écrites et imprescriptibles de Dieu.
Tous ceux qui sont présents ici m’approuvent.
Ils le diraient, si la crainte ne leur fermait la bouche.
Mais les chefs possèdent bien des privilèges, et surtout
celui d’agir et de parler comme il leur plaît.


Un dialogue s’engage entre eux. Lui juge tout du point de vue de l’État ; elle se place toujours à un autre point de vue, qui lui paraît supérieur. Il rappelle que les deux frères ne sont pas morts dans les mêmes conditions :


L’un attaquait sa patrie, l’autre la défendait.
Faut-il traiter de la même manière l’honnête homme et le coupable ?
— Qui sait si ces distinctions sont valables chez les morts ?