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tiblement le char vers le beau. Quand il est tout à fait dompté, la démangeaison des ailes est alors pour le cocher un mobile suffisant. Mais au début le mauvais cheval est indispensable.

Ses fautes même sont utiles, car chacune de ses fautes est l’occasion d’un progrès dans l’opération du dressage. La simple accumulation des punitions l’amène en fin de compte à une complète docilité. Bien remarquer que le dressage est une opération finie. Le cheval peut être d’un tempérament très difficile, et peut rester longtemps sans qu’il y ait progrès sensible, mais on est absolument sûr qu’en le punissant une fois après l’autre il deviendra finalement d’une docilité parfaite.

Telle est la source de la sécurité et le fondement de la vertu d’espérance. Le mal en nous est fini comme nous-mêmes. Le bien à l’aide duquel nous le combattons est hors de nous et infini. Donc il est absolument sûr que le mal s’épuisera.

Remarquer que si ce dressage est une opération volontaire, et par suite naturelle, il ne s’accomplit cependant qu’autant que l’âme est touchée par le souvenir des choses de là-haut et que les ailes commencent à germer. Et c’est une opération négative.

Quant à ce qui opère le salut, la grâce accompagnée de joie et de douleur, c’est une chose que nous recevons sans y avoir aucune part, sinon qu’il faut nous maintenir exposés à la grâce ; c’est-à-dire maintenir l’attention orientée avec amour vers le bien. Le reste, pénible ou suave, s’opère en nous sans nous. C’est là ce qui prouve que c’est vraiment une mystique, qu’il y ait le second élément.

Une fois le mauvais cheval dompté, l’être qui aime, et, par un effet de contagion, l’être aimé, se souviennent de plus en plus de ce qui est là-haut. Ici la philosophie intervient de nouveau, mais Platon ne dit pas à quel genre d’étude il pense.

Il en dit un peu plus dans le Banquet, où une voie est indiquée à partir de l’amour vers la plus haute connaissance. Socrate, répétant l’enseignement d’une femme d’une haute sagesse nommée Diotime, recom-