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EFFACEMENT

Dieu m’a donné l’être pour que je le lui rende. C’est comme une de ces épreuves qui ressemblent à des pièges et qu’on voit dans les contes et les histoires d’initiation. Si j’accepte ce don, il est mauvais et fatal ; sa vertu apparaît par le refus. Dieu me permet d’exister en dehors de lui. À moi de refuser cette autorisation.

L’humilité, c’est le refus d’exister en dehors de Dieu. Reine des vertus.

Le moi, ce n’est que l’ombre projetée par le péché et l’erreur qui arrêtent la lumière de Dieu, et que je prends pour un être.

Même si on pouvait être comme Dieu, il vaudrait mieux être de la boue qui obéit à Dieu.

Ce que le crayon est pour moi quand, les yeux fermés, je palpe la table avec la pointe — être cela pour le Christ. Nous avons la possibilité d’être des médiateurs entre Dieu et la partie de création qui nous est confiée. Il faut notre consentement pour qu’à travers nous il perçoive sa propre création. Avec notre consentement il opère cette merveille. Il suffirait que j’aie su me