Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/60

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Aimer Dieu à travers la destruction de Troie et de Carthage, et sans consolation. L’amour n’est pas consolation, il est lumière.

La réalité du monde est faite par nous de notre attachement. C’est la réalité du moi transportée par nous dans les choses. Ce n’est nullement la réalité extérieure. Celle-ci n’est perceptible que par le détachement total. Ne restât-il qu’un fil, il y a encore attachement.

Le malheur qui contraint à porter l’attachement sur des objets misérables met à nu le caractère misérable de l’attachement. Par là, la nécessité du détachement devient plus claire.

L’attachement est fabricateur d’illusions, et quiconque veut le réel doit être détaché.

Dès qu’on sait que quelque chose est réel, on ne peut plus y être attaché.

L’attachement n’est pas autre chose que l’insuffisance dans le sentiment de la réalité. On est attaché à la possession d’une chose parce qu’on croit que si on cesse de la posséder, elle cesse d’être. Beaucoup de gens ne sentent pas avec toute leur âme qu’il y a une différence du tout au