de leurs esclaves. Car la pensée d’être absolument contraint, jouet d’un autre être, est insoutenable pour un être humain. Dès lors, si tous les moyens d’échapper à la contrainte lui sont ravis, il ne lui reste plus d’autre ressource que de se persuader que les choses mêmes auxquelles on le contraint, il les accomplit volontairement, autrement dit, de substituer le dévoûment à l’obéissance. Et même il s’efforcera parfois de faire plus qu’on ne lui impose, et en souffrira moins, par le même phénomène qui fait que les enfants supportent en riant, quand ils jouent, des douleurs physiques qui les accableraient si elles étaient infligées comme punition. C’est par ce détour que la servitude avilit l’âme : en effet, ce dévouement repose sur un mensonge puisque ses raisons ne supportent pas l’examen. (À cet égard, le principe catholique de l’obéissance doit être considéré comme libérateur, au lieu que le protestantisme repose sur l’idée de sacrifice et de dévouement.) Le seul salut consiste à remplacer l’idée insupportable de la contrainte, non plus par l’illusion du dévouement, mais par la notion de la nécessité.
Au contraire, la révolte, si elle ne passe pas immédiatement dans des actes précis et efficaces, se change toujours en son contraire, à cause de l’humiliation produite par le sentiment d’impuissance radicale qui en résulte. Autrement dit, le principal appui de l’oppresseur réside précisément dans la révolte impuissante de l’opprimé.
On pourrait faire dans ce sens le roman d’un conscrit de Napoléon.
Et le mensonge du dévouement trompe aussi le maître…
Considérer toujours les hommes au pouvoir comme des choses dangereuses. S’en garer dans