Dressage. — À chaque pensée d’orgueil involontaire qu’on surprend en soi, tourner quelques instants le plein regard de l’attention sur le souvenir d’une humiliation de la vie passée, et choisir la plus amère, la plus intolérable possible.
Il ne faut pas essayer de changer en soi ou d’effacer désirs et aversions, plaisirs et douleurs. Il faut les subir passivement, comme les sensations de couleur et sans leur accorder plus de crédit. Si ma vitre est rouge, je ne peux pas, quand je me raisonnerais jour et nuit pendant un an, ne pas voir ma chambre en rose. Je sais aussi qu’il est nécessaire, juste et bon que je la voie ainsi. En même temps, je n’accorde à cette couleur, en tant que renseignement, qu’un crédit limité par la connaissance de son rapport avec la vitre. Accepter ainsi et non autrement les désirs et aversions, plaisirs et douleurs de toute espèce qui se produisent en moi.
D’autre part, comme on a aussi en soi un principe de violence, à savoir la volonté, il faut aussi, dans une mesure limitée, mais dans la plénitude de cette mesure, user violemment de ce principe violent ; se contraindre par violence à agir comme si on n’avait pas tel désir, telle aversion, sans essayer de persuader la sensibilité, en la contraignant d’obéir. Elle se révolte alors, et il faut subir passivement cette révolte, la goûter, la savourer, l’accepter comme une chose extérieure, comme la couleur rose de la chambre dont la vitre est rouge.
Chaque fois qu’on se fait violence dans cet esprit, on avance peu ou beaucoup mais réelle-