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Cela aussi est à définir rigoureusement, et c’est de la plus haute importance.

(Saint Augustin, par exemple, en a fait un usage illégitime.)

Il ne faut pas s’en couvrir au moment où on dit n’importe quoi — comme saint Augustin. Car alors cette notion devient l’instrument d’un pouvoir totalitaire. Tout ce qu’il plaît à l’Église de dire est alors à accepter, ou comme vérité reconnue par l’adhésion de la raison, ou comme mystère. Autrement dit, adhésion inconditionnelle à l’Église. C’est ce que saint Thomas nomme la foi, ainsi que le catéchisme du Concile de Trente.

Il n’y a que trois amours inconditionnels : l’amour de Dieu, — l’amour anonyme du prochain — l’amitié de deux saints.

L’amour inconditionnel de l’Église est de l’idolâtrie.

On n’a le droit d’aimer inconditionnellement que ce qui est inconditionné.

C’est-à-dire Dieu et la présence infuse de Dieu — soit actuelle dans un saint, soit potentielle dans toute créature pensante.

Il y a une chose inconditionnée dans l’Église, mais c’est seulement la présence du Christ dans l’Eucharistie.

L’Église comme société émettant des opinions est un phénomène de ce monde, conditionné.

Dieu a mis en tout être pensant la capacité de lumière nécessaire pour contrôler la vérité de toute pensée. Le Verbe est la lumière qui éclaire tout homme. Quel texte plus formel pourrait-on désirer ?

La notion de mystère est légitime quand l’usage le plus logique, le plus rigoureux de l’intelligence mène à une impasse, à une contradiction qu’on ne peut éviter, en ce sens que la suppression d’un terme rend l’autre vide de sens, que poser un terme contraint à poser l’autre. Alors la notion de mystère, comme un levier, transporte la pensée de l’autre côté de l’impasse, de l’autre côté de la porte impossible à ouvrir, au delà du domaine de l’intelligence, au-dessus. Mais pour parvenir au delà du domaine de l’intelligence, il faut l’avoir tra-