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Le malheur glace l’âme en la réduisant au présent malgré elle.

L’humilité est le consentement à cette réduction.

L’humilité est le consentement à ce qui fait horreur à la nature, le néant.

Je ne suis pas et je consens à ne pas être, car je ne suis pas le bien, et je veux que le bien seul soit.

Dieu serait jaloux d’un tel amour s’il n’en avait pas la perfection comme Christ.

Dieu veut être, non parce qu’il est soi, mais parce qu’il est le bien. Le Père fait être le Fils par amour, parce que le Fils est le Bien. Le Fils ne veut pas être par amour, parce que le Père seul est le Bien.

Pour le Père, Dieu est le Fils. Pour le Fils, Dieu est le Père. Tous deux ont raison, et cela fait une seule vérité. Ainsi Ils sont deux Personnes et un seul Dieu.

Le Père est création de l’être, le Fils est renoncement à être ; cette double pulsation est un unique acte qui est Amour ou Esprit. Quand l’humilité nous y donne part, la Trinité est en nous.

Cet échange d’amour entre le Père et le Fils passe par la création. Il ne nous est rien demandé d’autre ni de plus que de consentir à ce passage. Nous ne sommes que ce consentement.


Louange à Dieu et compassion pour les créatures.

C’est le même mouvement du cœur.

Comment est-ce possible, alors qu’il y a évidemment contradiction entre les deux ?

Remercier Dieu à cause de sa grande gloire, et avoir pitié des créatures à cause de leur misère.

Avoir pitié du Christ qui a eu soif et faim et a été fatigué.

Gratitude à Dieu et compassion à toute créature.

Louange à Dieu et miséricorde à toute créature.

Une créature ne peut pas légitimement être l’objet d’un autre amour que la miséricorde.

Ni Dieu l’objet d’un autre amour que la louange.

Notre misère est la louange de Sa gloire.

ἐγώ σε ἐδόξασα ἐπὶ τῆς γῆς.