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notre dette envers lui est plus grande. Il nous la remettra, si nous Lui pardonnons.

Le péché est une offense à Dieu par rancune des dettes qu’il ne nous paie pas. Si nous pardonnons à Dieu, nous coupons la racine du péché en nous. Il y a de la colère contre Dieu au fond de tout péché.

Si nous pardonnons à Dieu son crime contre nous, qui est de nous avoir fait des créatures finies, Il nous pardonnera notre crime contre lui, qui est d’être des créatures finies.

Nous sommes délivrés du passé si nous acceptons d’être des créatures.

Comme, par la bouche du Christ, Dieu s’est accusé de la Passion, de même accuser Dieu de tout malheur humain. Et comme Dieu a répondu par le silence, répondre par le silence.

La compassion suppose que toute la partie spirituelle de l’âme a émigré en Dieu, et que la partie charnelle de l’âme demeure nue, sans vêtements ni armures, exposée à tous les coups. À cause de cette nudité, la simple présence d’un malheureux rend sensible la possibilité du malheur.

Les imparfaits font de la partie spirituelle de leur âme un vêtement pour la partie charnelle. Quand la partie spirituelle s’est transportée en Dieu, le reste demeure nu.

Le Christ cloué nu sur la Croix, exposé aux lances.

N’avoir plus conscience de soi que comme d’une chose vouée à l’obéissance.

Vivre nu et cloué sur l’Arbre de Vie.

N’agir que contraint, ou par la nécessité matérielle, ou par une obligation stricte, ou par un ordre irrésistible de Dieu, ou par une vive inclination naturelle. Le « je » périt alors d’inanition.

Là où ni la nécessité, ni l’obligation, ni Dieu n’imposent une direction, suivre l’inclination.

Prendre l’habitude de toujours faire ce à quoi on se croit obligé.

Je voudrais y parvenir sans effort.

Qu’il me soit donné de discerner le point d’où sort