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à m’aimer aussi peu que Talleyrand, par dureté de cœur, aimait peu ce mendiant ?

L’amour de Dieu serait-il moins fort contre la sensibilité que l’égoïsme ?


Louange à Dieu et compassion aux créatures. Il n’y a pas contradiction, dès lors que Dieu, en créant, a abdiqué. Il faut approuver l’abdication créatrice de Dieu et se féliciter d’être soi-même une créature, une cause seconde, qui a le droit d’agir en ce monde.

Ce malheureux gît sur la route, à moitié mort de faim. Dieu en a miséricorde, mais ne peut pas lui envoyer du pain. Mais moi qui suis là, heureusement je ne suis pas Dieu ; je peux lui donner un morceau de pain. C’est mon unique supériorité sur Dieu.

« J’avais faim, et vous m’avez nourri. » Dieu peut implorer du pain pour les malheureux, mais non pas leur en donner.


Dans l’Empire romain les gens étaient tellement désespérés, déracinés, submergés d’ennui et de dégoût, qu’une seule pensée pouvait les émouvoir : celle de la fin imminente du monde. Cette pensée, cette attente devait exister à travers tout l’Empire, encouragée par diverses prophéties. Mais les chrétiens seuls avaient, semblait-il, une preuve palpable. Après la destruction de Jérusalem, la Certitude semblait plus grande encore.

Sûrement ce message de la fin du monde est ce qui leur procurait à la fois leur succès et leur réputation de criminels.

On se suicidait avec une facilité inouïe à cette époque ; mais les fondations de la vie sociale étaient tellement ruinées que le suicide ne suffisait pas ; il laissait trop d’horreur intacte. L’attente de la fin du monde était un équivalent collectif, cosmique du suicide.

Ils croyaient vraiment que la fin du monde allait venir et appelaient cela « la bonne nouvelle ».

« My Lord, what a morning — when the stars begin to fall ! » Ils étaient à peu près aussi heureux que les esclaves noirs d’Amérique.