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pas conçue autrement que l’obéissance. Alors on ne désire pas l’inspiration pour produire de belles choses, on désire produire de belles choses parce que les choses vraiment belles procèdent de l’inspiration. Chercher d’abord le royaume et la justice du Père céleste, et recevoir ce qui est donné.

Ainsi les artistes et savants sont ou religieux ou idolâtres, d’une manière tout à fait indépendante des opinions qu’ils professent, selon la place que le désir de l’inspiration occupe dans leur âme.

Dans le même sens, on peut dire qu’un tableau est pieux ou idolâtre, et cela n’a rien à voir avec le sujet.

Savoir que Dieu est le bien — ou plus simplement, savoir que le bien absolu est le bien, croire que le désir du bien se multiplie de lui-même dans l’âme si l’âme ne refuse pas son consentement à cette opération — ces deux choses si simples suffisent. Rien d’autre n’est nécessaire.

Seulement il faut se surveiller constamment pour s’empêcher de refuser de consentir à l’accroissement intérieur du bien — s’en empêcher inconditionnellement, quoi qu’il arrive.

Cette certitude, cette croyance, cette surveillance — c’est tout ce qu’il faut pour la perfection.

C’est infiniment simple.

Mais dans cette simplicité gît la difficulté la plus grande. Notre pensée charnelle a besoin de variété. Qui supporterait une conversation d’une heure avec un ami si cet ami disait sans arrêt : Dieu, Dieu, Dieu… Or la variété, c’est la différence, et tout ce qui est différent du bien est mal.

La partie charnelle de l’âme, qui a besoin de choses variées, doit s’appliquer aux choses variées d’ici-bas. La partie fixe de l’âme, à travers ces choses variées, doit viser le lieu fixe où siège Dieu.

Dans une sphère creuse qui tourne, tous les points, absolument tous, bougent, sauf deux. Les intermédiaires entre ces deux points tournent, et pourtant il y a entre eux une relation immobile.