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primitifs, le contraire est tout aussi possible. On peut tout aussi légitimement supposer que là où il y avait sacrifice humain, c’était une corruption de cérémonies contenant de simples simulacres.]

Peut-être que comme au moyen âge on voulait obtenir des coupables la vertu de pénitence avant l’exécution, de même primitivement on croyait que le châtiment infligé par la loi doit être en même temps un sacrement produisant la régénération du coupable.

C’est une pensée sublime.

Le glaive de la loi doit être comme le glaive de Rama dont le contact envoyait au ciel ceux dont il tranchait la tête.

Mais il est naturel que les Hébreux, qui avaient retranché de la religion toute spiritualité, aient regardé la pendaison comme une malédiction.

Cela permet à la crucifixion d’avoir un double sens.


Il faut détruire cette partie intermédiaire, trouble de l’âme qui est un mélange mauvais d’eau et de souffle, pour laisser la partie végétative directement exposée au souffle igné qui vient d’au-dessus des cieux.

Se dépouiller de tout ce qui est au-dessus de la vie végétative. Mettre la vie végétative à nu et la tourner violemment vers la lumière céleste. Détruire dans l’âme tout ce qui n’est pas collé à la matière. Exposer nue à la lumière céleste la partie de l’âme qui est presque de la matière inerte.

La perfection qui nous est proposée, c’est l’union directe de l’esprit divin avec de la matière inerte. De la matière inerte qu’on regarde comme pensante est une image parfaite de la perfection.

C’est là une justification de ce que les Hébreux nommaient idolâtrie.

Mais quelque chose qui n’a pas figure humaine vaut mieux qu’une sculpture ; ainsi une pierre, du pain, un astre.

Si on se représente un esprit lié au soleil, c’est là une parfaite image de la perfection.

C’est pourquoi cet univers fait de matière inerte est beau. Plus beau que le plus beau des êtres humains.