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ont quelque espoir de salut ceux à qui il arrive quelquefois de rester quelque temps à regarder au lieu de manger.

« L’un mange les fruits, l’autre les regarde. »

La partie éternelle de l’âme se nourrit de faim.

Quand on ne mange pas, l’organisme digère sa propre chair et la transforme en énergie. L’âme aussi. L’âme qui ne mange pas se digère elle-même. La partie éternelle digère la partie mortelle de l’âme et la transforme.

La faim de l’âme est dure à supporter, mais il n’y a pas d’autre remède pour la maladie.

Faire mourir de faim la partie périssable de l’âme, le corps étant encore vivant. Ainsi un corps de chair passe directement au service de Dieu.

Platon, Lois : Ἀγύμναστον ὅτι μάλιστα ποιεῖν τῶν ἡδονῶν ρώμην τὴν ἐπίχυσιν καὶ τροφὴν αὐτῆς πόνων ἄλλοσε τρέποντα τοῦ σώματος.

« Autant que possible, rendre atrophiée la force des voluptés en en détournant le courant et la nourriture vers d’autres parties du corps au moyen des travaux. »

Extrêmement précis. L’énergie contenue dans la semence est une nourriture pour les organes sexuels et leur exercice, mais aussi bien pour d’autres organes et leur exercice. Si d’autres organes mangent cette énergie, la sexualité meurt de faim.

On peut transposer la sexualité sur des objets quelconques : collection, or, pouvoir, parti, chat, canari, Dieu (ce n’est pas alors le vrai Dieu).

Ou on peut tuer la sexualité et opérer une transmutation de l’énergie qui lui était affectée.

Cette opération est le détachement.

Tout attachement est de même nature que la sexualité. En cela Freud a raison (mais seulement en cela).

Une énergie supplémentaire nous a été remise en dépôt par Dieu. C’est le talent de la parabole. Certains la font sortir d’eux-mêmes avec accompagnement de volupté. D’autres la donnent à manger à la meilleure partie de leur âme.

Marc. « La terre porte des fruits d’elle-même »,