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nons à Dieu notre existence, notre existence est pardonnée par Dieu.

Il faut savoir qu’on n’est rien, que l’impression d’être quelqu’un n’est qu’une illusion, et pousser la soumission jusqu’à consentir, non seulement à n’être rien, mais aussi, en même temps, à être dans l’illusion. Alors la boucle de l’obéissance est fermée : on est revenu en apparence au point initial, au point où sont ceux qui n’aiment pas Dieu. Et Dieu alors nous pardonne d’exister,

Dieu nous pardonne d’exister au moment où nous ne voulons plus consentir à exister que dans la mesure où c’est la volonté de Dieu.

Nous ne pouvons exister que criminels.

Quand le crime à imprégné l’âme au point qu’elle en en est tout entière empoisonnée, le repentir implique un arrachement total à soi-même, et alors il n’y a pas de repentir sans sainteté. Mais cela n’arrive qu’aux criminels malheureux. Chez ceux qui sont prospères, le crime n’est pas enfoncé dans l’âme.

Il faudrait élaborer une théorie du châtiment humain.

Pourquoi, depuis l’ère chrétienne, n’y a-t-il jamais eu un législateur inspiré de Dieu ? Pourquoi aucun saint n’a-t-il apporté de législation ?

Jamais l’inspiration chrétienne n’a su se donner une relation avec les choses d’ici-bas. Tout se passe comme si l’Incarnation était un couronnement, un achèvement, et non un commencement.

Quand le grain était regardé par tous comme une image du royaume de Dieu, toute la vie d’un paysan pouvait être une prière, et sa patience être la vertu surnaturelle de patience, ὑπομονῇ.

Il faudrait composer un calendrier spirituel, un thème annuel de méditation, pour les paysans.

Aux semailles, le semeur dont le grain tombe sur la pierre, ou dans une mauvaise terre, ou dans une bonne terre.

C’est-à-dire que Dieu donne à tous à tout instant la totalité du bien, mais que nous ne recevons que ce que nous voulons.