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rent et maigrissent, sauf un qui est sourd. Cela fait tout découvrir.


L’humilité n’est pas une mauvaise opinion sur sa propre personne par comparaison avec d’autres. C’est une opinion radicalement mauvaise sur sa propre personne par rapport à ce qui en soi-même est impersonnel.

Quand l’impersonnel s’est implanté dans l’âme et y pousse, il attire à soi tout le bien. La personne ne garde comme propriété propre que le mal. Dès lors, quand on se compare aux autres, on se trouve toujours inférieur à eux, qu’on aperçoit comme un mélange de bien et de mal.


Tâche urgente, essentielle : faire une logique de l’absurde. Définir autant que possible le criterium du vrai et du faux dans le domaine transcendant où la contradiction est à sa place, le domaine du mystère. Il faut plus de rigueur dans ce domaine que dans la mathématique. Une rigueur nouvelle, dont aujourd’hui on n’a pas idée.

Le critérium, c’est qu’une absurdité vraie est un reflet, une transposition, une traduction d’une des absurdités irréductibles de la condition humaine.

Il faut donc une investigation de ces absurdités irréductibles.


Usage théologique de la notion de limite.

L’instant où le Christ expire sur la croix est l’intersection du créé et du créant. Jusque-là l’unité de la divinité et de l’humanité en lui devait être d’une certaine manière virtuelle, tendant vers la plénitude de la réalité touchée seulement en cet instant (plénitude impossible à toucher — limite à la fois possible et impossible, comme dans les paradoxes de Zénon ou les séries infinies à somme finie).

Saint Paul dit du Christ : ἔπρεπεν… τὸν ἀρχηγὸν τῆς