Page:Weil - La Condition ouvrière, 1951.djvu/39

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vous l’expliquer : c’est que même aux moments où véritablement je n’en peux plus, je n’éprouve à peu près pas de pareille tentation. Car ces souffrances, je ne les ressens pas comme miennes, je les ressens en tant que souffrances des ouvriers, et que moi, personnellement, je les subisse ou non, cela m’apparaît comme un détail presque indifférent. Ainsi le désir de connaître et de comprendre n’a pas de peine à l’emporter.

Cependant, je n’aurais peut-être pas tenu le coup si on m’avait laissée dans cet atelier infernal. Dans le coin où je suis maintenant, je suis avec des ouvriers qui ne s’en font pas. Je n’aurais jamais cru que d’un coin à l’autre d’une même boîte il puisse y avoir de pareilles différences.

Allons, assez pour aujourd’hui. Je regrette presque de vous avoir écrit. Vous êtes assez malheureux sans que j’aille encore vous entretenir de choses tristes.

Affectueusement.

S. W.